Depuis vendredi et l’annonce de la mort de Simone Veil, j’écoute
attentivement tous les hommages qui lui sont rendus. Ce qui est frappant, avec
les personnages qui font partis du patrimoine comme Simone Veil, c’est que chacun de nous en a sa propre représentation.
Chacun a sa propre Simone Veil, j'ai
pensé ici vous parler un peu de la mienne.
Quand j'étais jeune, je veux dire encore plus jeune que maintenant, donc
plutôt quand j'étais enfant, Simone Veil faisait partie du paysage
politique, disons comme François Bayrou aujourd'hui. Bon ok, c'est pas le
meilleur exemple qu’on puisse prendre, mais bon, vous voyez ce que je veux dire.
Elle était, pour moi, de ce genre de personnes dont on ne se demande pas
pourquoi ils sont là, ils sont là, ils ont toujours été là, c'est ainsi.
À l'époque je ne savais pas vraiment ce qu'elle avait fait sur la scène
politique. Les premières images significatives (et par là, je veux dire
les plus anciennes) dont je me souviens en repensant à Simone Veil, ce sont
celles de janvier 2005. A cette époque, je me souviens être scotchée devant la
télé avec mes parents à l’écouter prononcer son discours à Auschwitz, pour le
60e anniversaire de la libération du camp. Je me souviens du décor enneigé
derrière elle et du manteau de fourrure qu’elle portait.
Elle se tenait là, stoïque, prononçant des mots qui allaient rentrer dans
l'histoire, dans l'histoire avec un grand H. Mais elle parlait de son histoire
à elle, son histoire tragique que chacun connait.
Et pourtant ce n'est pas de cela dont se rappellent la plupart des Français
lorsqu’ils évoquent Simone Veil et bizarrement, même si je suis juive, ce n'est
pas cela que je souhaite retenir de Simone Veil.
Il semble qu'à l'époque dont je parlais plus tôt, celle où j’étais
enfant, l'IVG était peu remis en cause.
Je me trompe peut-être mais il me semble qu'on ne parlait plus trop de cette loi,
que ce n’était pas un sujet de préoccupation ou de remise en cause comme ça
peut l’être parfois aujourd’hui.
Même en grandissant, en tant que jeune fille de 20 ans, je ne savais pas
vraiment à qui nous devions cette loi et franchement, je m'y intéressais peu.
J’avais surement tort, et j’étais surement un peu ignorante, mais c’était
ainsi. Je considérais tout ceci comme des acquis.
Puis, est venu le temps de l’anniversaire des 40 ans de la loi Veil, et
avec lui, les débuts de mes convictions féministes. Vous le savez déjà, ces
convictions, si elles dormaient en moi et si j’avais ce schéma comme exemple et
comme idéal, ont été encouragées par Sophie Gourion et Audrey Pulvar. En les
lisant et en les écoutant, j’ai construit ma pensée féministe. (Au passage,
merci pour tout)
Alors, quand est venu le temps de cet anniversaire, j’ai lu, écouté,
regardé (notamment le téléfilm où Simone Veil était superbement interprétée par Emmanuelle Devos).
Et là j’ai réalisé. J’ai réalisé que Simone Veil n’était pas n’importe quel
personnage politique. C’était une héroïne. C’était une héroïne qui forçait l’admiration.
C’était une héroïne qui écoutait son instinct, qui écoutait les plus faibles et
qui ne se laissait pas faire par ses contradicteurs. C’était l’héroïne de
toutes les femmes, et spécifiquement de celles qui à l’époque, devaient avorter dans
des conditions psychologiques et d’hygiène atroces. Comme si ce n’était pas
déjà assez difficile.
J’ai réalisé aussi que l’égalité femmes-hommes devait passer par une
appropriation par les femmes de leur corps.
Et j’ai réalisé la chance que j’avais d’être née à mon époque, car même
s’il y a encore un long chemin à parcourir et que l’héritage est à protéger, au
moins le chemin a été dégagé par des femmes comme Simone Veil, et nous avons
l’opportunité de pouvoir marcher dans ses pas.
Donc oui Simone, c’est l’image que je garderai de vous, l’image d’une femme
debout devant une assemblée d’hommes. Debout, vous n’avez pas flanché devant les
injures et les quolibets. Debout, vous étiez déterminée à offrir aux femmes de
ma génération une vie meilleure qu’aux femmes de la vôtre.
Alors pour cela, Simone, comme de nombreuses femmes avant moi, je
souhaiterais simplement vous dire : MERCI ! Et sachez qu’ici, MERCI
représente tellement plus que le mot de 5 lettres qu’il est, d’autant plus
depuis que nous avons appris, de votre fils, qu’il avait aussi été votre
dernier mot.
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